La couture, ce n’est pas déjà écolo à la base?
Faire ses vêtements soi-même, raccourcir un pantalon, réparer des trous : on pourrait penser que la couture est déjà une bonne façon de réduire notre empreinte sur la planète. Sauf que… est-ce que c’est suffisant? Si, du jour au lendemain, tu devais te débrouiller tout(e) seul(e) pour te vêtir, est-ce que tu serais capable d’improviser avec les moyens du bord? En créant l’école de couture Le bac rose, j’ai voulu donner une lueur d’espoir face au gaspillage vestimentaire qui semble être devenu la norme dans notre société. Et non, ce n’est pas «normal» que les vêtements se retrouvent à la poubelle après seulement quelques lavages…
Au moment où j’écris cet article (août 2022), il n’existe toujours pas de solution pour les vêtements en fin de vie. En d’autres mots, tes vieilles bobettes trouées : elles ne pourront pas être recyclées. Elles vont se retrouver malheureusement à la poubelle et vont finir leur vie dans un site d’enfouissement. « Mais je donne tous mes vêtements à la friperie du coin, moi!» C’est une très bonne habitude (à garder assurément!), mais si tu voyais la tonne de vêtements qui est apportée en friperie tous les jours, tu serais renversé(e)! Peu importe leur état, ce ne sont pas tous les vêtements usagés qui trouvent preneur par la suite!
Loin de là! J’ai pu le constater en étant aux premières loges. En tant que bénévole pendant quelques semaines dans une friperie, j’étais en charge du tri des sacs de dons de vêtements. Et, oh boy! Ce n’était pas que du beau qui se retrouvait là-dedans! Mélanges de sable et de terre, odeur de cigarette et de sueur, tout y passe dans ces sacs! Après avoir trié ce qui était encore en bon état (merci à tous ceux et celles qui donnent des vêtements propres et fraîchement lavés!), certains vêtements étaient mis de côté pour servir de guenilles pour des garages. D’autres vêtements, invendables en magasin, en raison de cernes sous les bras, de trous, taches, boutons manquants (et j’en passe!) étaient mis dans des sacs pour être vendus ensuite à un revendeur de ballots de vêtements usagés. Ces derniers sont par la suite envoyés un peu partout dans le monde.
Une idée d’entreprise trouvée dans le fond d’un sac de dons
C’est à partir de ces vêtements dont le tissu est encore bon, mais inutilisables dans leur état (je laisse quand même de côté les vêtements empreints de sable et de terre, d’odeur de cigarette et de sueur!), qu’a germé l’idée de créer des projets à partir de ces tissus mal-aimés. J’avais auparavant lu plusieurs rapports expliquant l’avancée des recherches sur le recyclage des vêtements en fin de vie au Québec. Différentes techniques de déchiquetage de tissus pour en faire du papier, des méthodes de défibrage pour en faire de l’isolant, jusqu’à un champignon qui mange la fibre de polyester, ce ne sont pas les idées qui manquent! Toutefois, je n’avais pas les fonds nécessaires pour démarrer une usine de recyclage de vêtements usagés ni les connaissances scientifiques nécessaires pour inventer une méthode de recyclage. C’est pourquoi, je me suis plutôt tournée vers des solutions un peu plus accessibles et à ma portée. Pourquoi ne pas donner de la valeur aux vêtements et tissus de maison rejetés par les friperies grâce à un savoir-faire artisanal (la couture) à l’aide d’outils disponibles (les machines à coudre)? Le bac rose, c’est donc beaucoup plus qu’une école de couture, mais bien un laboratoire où les participants sont invités à jouer avec la matière revalorisée pour lui donner une nouvelle forme. Parce que les déchets textiles ne vont pas au bac bleu ni au bac brun!
Je m’habille donc je couds (j’ai repris la citation de Descartes à la sauce Bac rose!)
Pendant mes études en design de mode, je me souviens être complètement fascinée par la façon dont un vêtement est construit. J’observais même les gens dans le métro en détaillant dans ma tête les différentes pièces de patron (ah! une découpe princesse, oh la belle manche dolman!). Je me suis rendu compte avec surprise que plusieurs étapes dans la fabrication d’un vêtement sont toujours faites à la main par des couturières. Hé non, ce ne sont pas des machines qui digèrent les tissus et qui, quelques minutes plus tard, « pondent » des camisoles! Un peu comme les enfants qui ont de la misère à comprendre que les légumes ne poussent pas directement dans les rayons de l’épicerie, la majorité d’entre nous tenons les vêtements pour acquis. Tu as besoin d’un t-shirt : tu vas au magasin t’en chercher pour quelques dollars. Tu ne sais même pas comment il a été fabriqué, ni où, ni par qui, ni quelle distance il a parcouru pour arriver jusqu’à toi. Sans devenir expert(e) dans la chaîne de production d’un vêtement, je pense qu’il faudrait tout de même que les bases soient enseignées pour te permettre de fonctionner au minimum.
Réparer, modifier, repenser, inventer, ce sont les compétences que je veux transmettre avec l’école de couture écolo. Oui on apprend à utiliser une machine à coudre et à faire de belles coutures droites, mais c’est bien plus que ça. C’est une façon de se réapproprier nos vêtements et de créer notre propre mode. Je veux dire : il n’y a pas plus local qu’un vêtement qui provient de ta garde-robe et que tu as remodelé pour qu’il te serve encore de belles années.
Plus de plaisir à créer qu’à acheter
J’aime beaucoup les projets qui sont pratiques et utiles dans la vraie vie. Surtout, lorsque j’épluche les magasins et le web pour trouver ce que je cherche, sans succès. Par exemple, lorsque j’ai été obligée de changer de portefeuille, car l’ancien, acheté 3 ans plus tôt, commençait à avoir des trous. Pas très pratique pour garder son argent... J’aimais beaucoup le modèle petit et compact, plus souvent utilisés par les messieurs. Je n’aimais pas du tout la version pour madame, trop gros et avec trop de compartiments. Je ne trouvais pas une version qui me plaisait, soit minimaliste et intemporelle. J’ai alors décidé de me fabriquer un portefeuille avec une retaille de jeans! J’ai utilisé l’ancien pour prendre mes mesures, car j’aimais son format. J’ai « disséquée » mon ancien portefeuille pour comprendre les finitions. J’ai ensuite créé les pièces du patron en papier pour découper mon portefeuille 2.0 dans le nouveau tissu.
À part à quelques difficultés avec le jeans (les coutures étaient un peu épaisses à certains endroits), j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à voir mon projet prendre forme. Je me sers de mon portefeuille depuis environ 5 ans et il me convient parfaitement. Oui cela m’a demandé plus de travail que de m’en acheter un tout fait au magasin. Quoique j’aurais eu à faire plusieurs magasins pour trouver ce que je cherchais et les chances d’en trouver un à mon goût était minimes. J’aurais donc eu à faire un compromis (look, format, etc...) et je l’aurais peut-être mis de côté pour trouver autre chose quelque temps plus tard. Loin d’être seulement utile pour se faire un costume d’Halloween une fois par année, je vois la couture comme mon super pouvoir au quotidien. Pour vrai, on peut (presque!) tout créer soi-même.
Et toi, as-tu déjà tenté l’expérience?